Le Port de départ

Le Port de départ

mercredi 20 mars 2024

Suite et FIN

Nous voilà à la fin d'une belle tranche de vie qui s'achève avec cette traversée incroyable, vraiment folle... 

Nous avons eu des nouvelles de notre ami de Jamaïque : Daniel. Il a quitté l'île mais il a dû faire demi tour au bout de quelques heures pour des soucis de moteur... Sur le retour, dans la nuit, il a dématé... A perdu son mât, ses voiles, emportés par la mer... Les coast guards sont venus le secourir pour retourner en Jamaïque... Le bateau est reparti sur son boatyard, "à vendre"... Flour avait eu raison en disant que Double Twenty ne voulait pas quitter la Jamaïque ! 

Daniel s'en est sorti, il a eu très peur mais il a eu de la chance... Nous réalisons que nous aussi....


Reprendre pieds après une telle expérience est souvent difficile ... Autant physiquement que psychologiquement ou émotionellement... Chacun vit ce moment différemment... Et c'est physiquement que Grégoire a trinqué. En effet il a quitté le bateau et est rentré en métropole après avoir attrapé une bactérie à l'œil... 




Qui s'est transformé en abcès à/la/sur/de la cornée, je ne sais pas comment on dit ... À peine débarqué... Direction les urgences de l'hôpital de Bordeaux où il, restera hospitalisé cinq jours....

On l'affole, on lui parle de greffe de cornée mais tout cela dépendra de la cicatrice que l'abcès laissera... 

J'espère vraiment que ça ne sera bientôt qu'un mauvais souvenir ! 


Pour Xavier c'est le moral qui baisse beaucoup... Beaucoup.... Beaucoup.... Je prends la mesure de tous les problèmes qu'il a dû gérer, du poids des inquiétudes qu'il a porté, il en a marre, tout cela l'use terriblement ! 

Je pense que nous sommes arrivés au bout de quelque chose et qu'il est temps de passer à autre chose....

La mentalité et l'ambiance de la Martinique n'a rien à voir avec celle de l'autre côté des caraïbes et nous nous sentons quelque peu déphasés ici... Pas vraiment à notre place... Valentine qui nous a rejoint à bord vit cette évolution avec nous... Elle la comprend... C'est donc très naturellement et très rapidement que nous décidons de mettre Sayann en vente... En l'état... Au mouillage... Il faut que cela se fasse vite... Le niveau d'eau des cales baisse et nous ne tiendrons pas éternellement... 

Juste une semaine après que l'annonce soit en ligne, Sayann est vendu... 

Nous profitons des dernières soirées à bord... 






L'affaire est rondement menée, en deux jours nous vidons le bateau et Valentine nous organise la suite de notre séjour ! 





Heureusement l'acquéreur est un amour de femme, anglaise,  navigatrice expérimentée, expert maritime à qui nous sommes heureux de passer le flambeau ! Je sais qu'elle prendra soin de notre Sayann ! La remise des clés se fait après un bon déjeuner ensemble ! Je suis tellement heureuse que Sam et François redonnent une nouvelle vie à Sayann ! 



C'est néanmoins une page qui se tourne, un livre entier qui se ferme, un livre tout en couleurs, des chapitres d'aventures faits de bonheurs, de difficultés, de doutes, d'inquiétudes, de joies, de soulagement et pour finir de fierté d'avoir fait cette dernière traversée, la plus dure, la plus osée, la plus risquée .. Dans tous les cas, des moments très intenses, très forts, inoubliables, des moments qui nous ont changé pour toujours, des moments que j'ai été vraiment heureuse de partager avec vous... Ils n'auraient pas eu la même saveur sans votre présence à nos côtés ! 

Merci ! Merci à tous d'avoir été là, fidèles, attentifs, vous nous avez encouragé quand nous en avions besoin, vous vous êtes inquiété quelquefois à raison, vous étiez toujours là et c'était important pour nous... 

Merci Sayann, tu as fait le job et bien plus encore, tu nous as permis de vivre des choses merveilleuses, tu nous laisses des souvenirs incroyablement forts, tu nous as emmené dans des lieux magnifiques, merci ! 


Aujourd'hui c'est mon dernier article... Pour être franche avec vous, comme je l'ai toujours été à travers ces pages, j'ai un peu peur que la vie n'ait plus le même goût sans ce risque, cette adrénaline que nous aimions mais qui nous fatiguait beaucoup aussi... Il y a un âge pour tout, nous avons d'autres projets, nous resterons sur la mer à bord de Gwenadel et puis on ne connaît pas la suite, la vie réserve toujours des surprises ! Il fait juste savoir les attraper au vol et en profiter le mieux possible ! 




lundi 4 mars 2024

Saison 14 ep 4 La traversée


L'équipage est prêt ! 

Mardi 20 février 2024 Port Antonio 17h, quai de mise à l'eau :

Il pleut des cordes, nous sommes prêts à partir, Daniel est allé solder son compte à la marina et après que Sam, son mécanicien, ait réglé problème mécanique sur problème mécanique son bateau semble enfin prêt mais comme nous dit Flour d'un air pensif "ce bateau ne veut pas quitter la Jamaïque, il y aura toujours quelque-chose qui le retiendra ici... " 

Nous ne pouvons pas l'attendre pour partir puisque notre Dan arrive bien à l'heure avec son fils dans sa lancha, plus jamaïcaine tu meurs ! 

Et... Forcément... Dan commence à marchander, les trombes ne semblent pas le gêner pour nous dire qu'il avait compris qu'il fallait nous laisser au milieu de la baie mais pas au dehors, en plus je commence à lui expliquer que quand on aura chopé le vent il nous mettra face à lui pour qu'on puisse monter la grand voile... 

"Ah mais ça n'était pas prévu dans les 100 $, alors ça sera plus cher !!" 

J'en connais un qui tente sa chance... 

Pas question petit jamaïcain, 100 $ est déjà bien cher payé pour nous tirer sur 1,4 miles.

Bien que la pluie battante soit peu engageante nous partons, nos "chauffeurs" semblent de mauvaise humeur et à peine le phare passé, ont très envie de nous lâcher... Je n'aime pas ça du tout, il n'y a pas encore assez de vent pour décoller... Nous sommes tous très stressés. Ils commencent à aller à droite à gauche, à laisser traîner le bout, il faut avouer que la mer n'est pas très accueillante, le nez de leur lancha plonge dans les vagues pour en ressortir tout dégoulinant... Euh.. peut être que ça, pour le coup, n'était pas prévu dans le prix !! 

Nous sommes ballotés de tous les côtés;  l'anémomètre reste très bas, malgré la pluie, la mer hachée.. On pourrait s'attendre à plus de vent ! J'ai beau coller mon nez dessus...

Quand on sent leur impatience à bout, on hisse la grand voile, on déroule le génois, on leur donne leur argent qu'ils réclament à coup de "Money... Money..." ils nous laissent pas loin de la sortie mais on s'éloigne doucement de la côte... On est partis !! 

Ce stress du départ, cette peur qu'ils nous laissent tomber, cette pluie à cause de laquelle on n'y voit pas à cinq mètres, cette mer très hachée ne mettent pas longtemps à me transformer en larve... Le mal de mer est bien là, aussi soudain que foudroyant... Je n'ai plus qu'à prendre racine dans le carré en bas et me voilà ailleurs pendant 24 h, avec une folle envie de partir, de mourir, que tout cela s'arrête, étant sûre que je n'en sortirai pas vivante... Et pourtant si, après la nuit sans doute la plus dure de ma vie je respire toujours mais Dieu que je suis mal !


Mercredi 21 février, jour 1 

Après cette nuit horrible je redoute cette première journée... 

Les hommes me conseillent de monter à l'air frais mais ces trois marches représentent l'Everest pour moi, chaque geste demande un tel effort et procure une telle fatigue que je voudrais juste rester où je suis et disparaître... Je me lance néanmoins en rampant comme je peux... c'est vrai que j'y respire mieux... 

Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de cette journée, je n'arrive pas encore à bouger de ma banquette mais petit à petit je reviens parmi les vivants... 

Le temps est meilleur, un beau ciel bleu a remplacé l'amas gris au dessus de nos têtes mais la mer reste très forte. J'apprends que le groupe électrogène a des problèmes, le robinet d'arrivée d'essence se bouche régulièrement... Grégoire s'y colle et va bientôt battre tous les records de vitesse, c'est sûr qu'à faire l'opération 4 à 5 fois par jour il s'améliore.. Chaque geste devient plus précis... 



La communication avec JB s'installe et il est fier de notre progression de la première nuit... Nous avons de nouvelles prévisions météo pour les 24 heures à venir ! 

Notre routeur est au top ! 

Nous recevons aussi un message de Daniel, il n'est pas parti... Il a encore des problèmes d'alternateur, son moteur ne recharge pas ses batteries.... Partira-t-il cette année ?  Les mots de Flour prennent une résonance différente (ce bateau ne veut pas quitter la Jamaïque..). 

La mer est hachée avec de gros creux, les vagues semblent ériger un mur d'eau sur notre côté et, alors qu'elles nous arrivent dessus, le cul du bateau chasse et nous surfons dessus, mais d'autres arrivent déjà... Nous sommes très ballotés... 

Je passe la deuxième nuit dehors comme j'aime tant le faire ! Je reprends peu à peu ma fonction de cuisinière (enfin doucement quand même, on en est juste à faire des nouilles chinoises !!!) Le fait de manger me fait un bien fou et après ma nuit je m'estime guérie ou tout au moins restaurée... 


Jeudi 22 février : jour 2 

Temps beau, on s'amarine, du moins on le croit... 

Aujourd'hui toutes nos pensées les plus affectueuses vont vers quelqu'un qui n'aime pas qu'on lui souhaite son anniversaire !! Ça tombe bien... Mais je suis sûre qu'il sait qu'on l'embrasse très très fort ! 

Rien de spécial dans la journée. La nuit tombe et forcément, la mer n'étant pas assez grande pour tout le monde nous apercevons des lumières au loin, mais elles se rapprochent très vite et il est difficile d'imaginer la route que ce bateau peut prendre, même en analysant ses feux de nav, nous nous tenons prêts à virer en cas de besoin mais c'est finalement lui qui se déroute pour nous... Il faut vous expliquer que pour économiser notre peu d'énergie nous n'allumons nos feux de navigation que quand nous voyons un bateau au loin, le reste du temps nous sommes un bateau fantôme, noir dans le noir... 

Nous croiserons deux autres bateaux cette nuit là 


Vendredi 23 février : jour 3

Petit à petit le vent est monté à 30 nœuds, la mer est forte et bien agitée... Dur dur... 

Nous prenons deux ris dans la grand voile et deux ris dans le génois... Ainsi le bateau semble plus stable... Bien qu'on gîte terriblement... Tout est sans dessus dessous à l'intérieur... Xavier a déjà fait des chutes qui lui laissent de belles traces sur les jambes... Il fait très gris et du coup le panneau solaire ne donne rien, le pilote automatique s'arrête faute d'électricité... Alors Grégoire se remet au démontage du robinet du groupe qui n'a plus de secret pour lui ! Je m'en veux mais je m'en veux tellement de ne pas avoir acheter un autre groupe électrogène... Enfin c'est trop tard ! 

Cette journée n'est vraiment pas facile, dès qu'on a l'estomac vide, le mal de mer revient et c'est tellement dur d'aller chercher à manger en bas, de préparer quoi que ce soit... 

Je pense que si Grégoire est venu chercher une petite dose d'adrénaline pendant ses vacances il ne sera pas déçu de ce côté là.... 

En effet après avoir avalé nos assiettes de pâtes, nous nous couchons mais ce soir le bateau gîte à bâbord et la majorité des couchettes étant à tribord il est difficile de trouver une place où dormir, pour Xavier ce sera sur la banquette extérieure, pour Grégoire sa couchette et pour moi par terre aux pieds de Xavier, c'est y pas mignon ça ? En fait chaque nuit ça change, on finit aussi par dormir n'importe où... 



La nuit commence calmement et vers minuit Xavier nous crie "vite j'ai besoin de vous deux !" le bateau s'est mis face au vent, plus de pilote et plus de GPS... On essaie de comprendre et Grégoire sent alors une drôle d'odeur... Il descend et crie "il y a beaucoup de fumée, ça sent très fort le brûlé"... Difficile pour Xavier de tout gérer, les voiles, l'alerte au feu... 

On rallume le GPS et le pilote sans soucis et alors nous rejoignons Grégoire, en effet, grâce à nos lampes frontales, chacun de nous a son propre faisceau de fumée en face de lui... C'est impressionnant et paniquant... Ça semble venir de la cabine tribord ou de la table à carte ! Nous repérons les extincteurs, et puis cherchons partout d'où cette alerte peut venir, nous démontons les armoires électriques, regardons les batteries nous ne trouvons rien ! Grégoire préfère que l'on vide la cabine tout de suite et que l'on passe tous la nuit en haut avec des vrais quarts pour chacun... 

Nous ne comprenons rien à ce qu'il s'est passé... L'arrêt du GPS a t il quelque chose à voir avec un court circuit quelconque ? Ces deux faits sont ils totalement indépendants l'un de l'autre ? 

Au petit matin nous sommes tous étonnés d'avoir passé une si bonne nuit... Plus d'odeur de brûlé, je me demande même si je n'ai pas rêvé... Mais non je descend voir et la cabine est vide, archi vide par contre je préfère ne pas vous parler du foutoir alentours... 

Samedi 24 février, jour 4 

Après notre nuit pleine d'émotions mais bien reposante tout de même... Nous décidons de laisser la cabine vide pendant quelques jours au cas où ça recommencerait... 

Ce matin... Chose merveilleuse... nous prenons une douche !! Pour tout vous dire, il était temps et même si nous n'avons qu'un filet d'eau (la pompe ne va pas bien du tout, encore un truc à réparer) c'est un vrai bonheur ! 

Aujourd'hui je me lance même dans de la cuisine, riz, pancakes, la totale ! 


Il faut dire que nous sommes maintenant totalement amarinés, la mer s'est beaucoup calmé, nous gitons beaucoup mais au pré c'est plutôt normal; en tous cas plus aucun rapport avec hier où nous avons cru finir broyés dans une essoreuse ! 


Jusqu'ici c'est la plus belle journée que nous ayons eu, j'espère bien sûr qu'il y en aura d'autres, mais aujourd'hui est magnifique, tranquille... Après nos émotions nous apprecions vraiment ces moments sereins... 


Grégoire en profite pour sortir la canne à pêche (pas encore concluant d'autant qu'il y a beaucoup de sargasses qui s'accrochent au leurre )... Nous avons peur d'être un peu juste au niveau ravitaillement et j'avoue que quelques repas de poissons seraient les bienvenus ! 


Le groupe électrogène nous donne satisfaction quand son robinet n'est pas bouché et dans l'après midi Grégoire fait une petite réflexion à son père "Quand même j'aurais pensé que vous auriez inventé un système d'accélérateur plus judicieux que le fil de fer que vous avez mis !" 

Il n'en fallait pas plus pour réveiller le Mac Gyver qui sommeille en Xavier !!! 

Et le voilà mettre en place un "accélérateur hameçon" qui simplifiera en effet bien les choses



Au dîner nous regardons la route effectuée et realisons que notre progression est quasi nulle pendant ces dernières 24 heures... Le moral tombe... Bas... Très bas... Très très bas... Il pourrait bien nous rester encore deux ou trois semaines de nav si nous continuons comme aujourd'hui... Donc pas assez de vivres, pas assez d'essence pour le groupe... Ça serait la cata... 

En plus je pense avoir sous estimé l'appétit qu'on a en navigation et je m'en veux... J'aurais dû acheter plus de basiques, genre riz, farine pour faire du pain... 

Nous pensons que les courants nous sont très défavorables, nous n'arrivons pas à bien remonter au vent alors que Sayann est un pro de la remontée au près serré. 

Nous nous posons beaucoup de questions, faut il prendre un routeur professionnel pour nous indiquer une autre route en tenant compte des courants ? Faut il aller ailleurs qu'en Martinique ? Nous envoyons un message à JB pour essayer de partager nos angoisses... 

La nuit se passe tranquillement, nous faisons toujours des quarts officiels mais ayant beaucoup de facilités à faire des micros siestes je peux remplacer un peu les hommes qui commencent à être bien fatigués, si au moins cela pouvait leur permettre de retrouver des forces ! 

Nous prenons le pari de remonter un peu au Nord pour y trouver des courants plus favorables ! 


Dimanche 25 février jour 5 

Heureusement en navigation chaque jour est différent ! 

Pari gagné !! 

Avec un cap à l'Est, Sayann se met à filer et même à prendre de la vitesse à cette allure...


 Le moral des troupes remonte à une vitesse fulgurante ! Comme dit Grégoire, sur un bateau c'est la montagne russe des sensations, d'une minute à l'autre tout peut changer et ce matin nous voyons les prochains jours sous de meilleurs hospices ! JB nous remonte aussi le moral, nous éliminons l'aspect routeur pro, nous reprenons confiance en nous, en Sayann et parlons même d'une arrivée potentielle dans six/sept jours... Ce ne sont que des projections mais c'est quand même la première fois qu'on prononce le mot "arrivée" ! 

Quelques heures plus tard, nous tombons dans un trou... Plus un souffle... Petole ... Ah c'est sûr qu'à ce rythme là nous ne sommes pas arrivés !! Mais ce n'est qu'un mauvais moment de quelques heures... 

Vers 18 h, au moment où nous allons demander au quatrième larron de l'équipage de nous fournir l'électricité nécessaire pour tenir la nuit, j'ai nommé notre petit groupe électrogène baptisé Dartagnan par Grégoire... Rien à faire ! Il ne démarre pas... Le nettoyage du robinet n'y fait rien... Pendant trois heures Grégoire et Xavier vont tout démonter, tout nettoyer dans la nuit, avec une gîte digne de ce nom mais rien n'y fait ! On finit par dormir, exténués, en espérant qu'il y ait assez de jus pour que le pilote fonctionne toute la nuit et c'est le cas !! Chaque nuit, au moins l'un de nous dort à l'intérieur pour sentir une éventuelle catastrophe mais plus d'odeur de brûlé! Pour ma part je dors toujours dehors... En ce moment la lune nous éclaire beaucoup, c'est magnifique ! Et les étoiles !!! Que dire c'est époustouflant ! 


Lundi 26 février jour 6

Nous avons toujours un vent d'Est, c'est à dire contre nous mais depuis hier, nous gardons un bon cap et nous nous dirigeons doucement vers notre destination ! Alors tout va bien ! Grégoire essaie à tout moment de gagner un ou deux degrés ! Ne serait ce qu'un degré sur un si long parcours peut rajouter des heures de navigation... 

Il sait maintenant qu'il n'aura normalement pas son avion de retour dimanche, nous avons été un peu présomptueux sur les dates mais, en homme avisé, il s'était organisé pour pouvoir reporter son retour... À Josephine de gérer ce problème ! Elle est bien breifée ! 

Ce matin la principale préoccupation est le groupe, sans lui nous aurons du mal... Mes petits mécaniciens préférés s'y remettent, et après leurs réflexions nocturnes ils pensent que ce ne seraient que les conditions extérieures qui auraient perturbé notre indispensable machine : la gîte, la pluie, les vagues... 

Après un nième nettoyage et des essais à n'en plus finir, il repart... Quelle joie ! Quel soulagement ! Les mécaniciens sont heureux ! Bravo à eux ! 


La douche est loupée pour aujourd'hui mais elle n'en sera que meilleure demain ! 

La pêche n'est toujours pas fructueuse, il y a de plus en plus de sargasses et Grégoire est désolé ! Dieu sait pourtant qu'il est patient et persévérant et Dieu sait aussi combien il a envie de poisson frais ! 


Le stress de cette première semaine nous a fait complètement oublié que j'avais une bouteille de coca et quelques sardines qui n'attendent que d'être ouvertes ! Qu'à cela ne tienne, nous fêtons notre semaine de mise à l'eau avec un semblant d'apero toujours sans alcool en navigation ! 

Souvent le matin Grégoire me demande ironiquement "Alors quel stress est au programme aujourd'hui ? Quel challenge est à relever ?" et nous sommes presque étonnés quand la journée se passe sans problème majeur... Ce qui est le cas aujourd'hui sauf qu'en descendant faire la vaisselle après le dîner je reconnais un bruit qui m'est devenu familier et détestable aussi... Un bruit d'eau dans les cales... Je ne veux affoler personne alors j'essaie de proposer calmement 

- on devrait peut-être regarder les cales de temps en temps....

- oui on verra répond le capitaine... 

- Euh on devrait vraiment les regarder, je crois entendre un bruit. 

Et malheureusement je ne m'étais pas trompé... Grégoire est inquiet, nous moins... Je me demande si on ne s'habitue pas aux risques ... 

Bref, la pompe de cale a trop de mal avec la gîte que nous avons, alors j'écoppe une vingtaine de litres... Malgré une dégustation de Xavier il ne peut pas dire si elle est salée ou pas... Un mélange peut-être... En tout cas un grand cru c'est sûr ! 

Bon demain il faudra inspecter les passes coques parce que le presse étoupe réparé par Xavier ne coule absolument pas ! Et surveiller les cales régulièrement mais là Xavier compte beaucoup sur mon ouïe :

- Maman nous dira quand il y aura trop d'eau elle reconnaît bien le bruit... Dit il à Grégoire 

La nuit s'annonce belle et calme avec toujours un bon cap qui ravit les deux connaisseurs.

Côte quarts, nous trouvons peu à peu notre rythme : Grégoire surveille jusqu'à  minuit, puis moi qui couche dehors jusqu'à 6 h puis Xavier arrive ! 


Mardi 27 février, jour 7 

Aujourd'hui nous pensons beaucoup à Christylle et lui souhaitons un très bel anniversaire ! 

Les prévisions de JB sont toujours bonnes, il nous avertit que nous aurons un vent de Nord jeudi qui nous empêchera de remonter si nous sommes trop au sud, alors nous virons de bord pour déjà remonter un peu aujourd'hui... Enfin d'après ce que j'ai compris... mais j'avoue que mes préoccupations se résument plutôt à comment leur faire un café sans tout faire tomber moi y compris... 

Quelquefois je me demande si vous savez où on est... Je veux dire est ce que vous voyez notre progression sur la carte ? 

J'espère que vous êtes fiers de nous ? On sera tellement heureux quand on aura réussi ! Quand on sera arrivés ! On sera aussi certainement tristes que cette aventure un peu folle soit finie ! Vous n'imaginez pas, il y a des moments où on en bave quand même... Mais d'autres qui compensent tellement ! 

Les sargasses gâchent toujours la pêche... C'est désespérant ! 

Vers 15h j'aperçois un gros bateau au loin... Il se rapproche très vite et nos routes vont se croiser... C'est à lui de nous laisser passer... Que nenni ! Le Coral Queen, gros céréalier, nous coupe carrément la route nous forçant à changer la nôtre ! Le capitaine est très en colère... 


Cette mésaventure nous amène à discuter du fait que plus nous nous approcherons de l'arc antillais plus nous croiserons des bateaux et il faudrait leur faire savoir que nous ne sommes pas manoeuvrants... Il existe des pavillons pour ça ! Nous cherchons dans notre stock mais n'avons pas celui qui nous intéresse... Bleu avec une bande jaune en haut et une autre en bas...


Je vais bien trouver cela dans mon petit foutoir ! On me reproche assez souvent de garder trop de choses /linge sur ce bateau, pour une fois ça pourrait nous servir ! En effet je trouve deux taies d'oreiller dont les couleurs sont parfaites pour ma future réalisation ! 


La journée ne se finit pas sans son petit soucis... Les toilettes de devant sont bouchées, la salle de bain déborde d'eau de mer venant de la pompe, Xavier ferme toutes les vannes et condamne cette pièce ! Inutile de jouer avec les vannes quelques jours avant notre arrivée ! Il y a plus grave puisqu'il nous reste les toilettes de derrière... 

La nuit se passe bien, nous reprenons les quarts officiels mais nous nous retrouvons souvent tous les trois sur le pont pour partager nos inquiétudes quand sous un grain le vent monte à 37 nœuds et qu'en même temps un paquebot nous arrive à bâbord ! 


Mercredi 28 février, jour 8

C'est la journée des décisions aujourd'hui ! 

Nous allons commencer à entrevoir une vraie date d'arrivée en Martinique ! 

Le verdict de notre JB tombe comme chaque matin à 8h ! 

" Joli ! ETA 3 jours et 4 heures !" cela nous ferait arriver samedi midi... Mais sans compter aucun imprévu ! 

Le satellite est en effervescence...et les décisions sont vite prises : Grégoire reste un peu plus avec nous et repartira le vendredi 8 mars, Valentine, pour sa part, arrive le mercredi 6 pour passer deux bonnes semaines avec nous et croiser son frère quelques jours ! 

Petit intermède dans une journée de nav à peu près tranquille même si je vous rappelle qu'en permanence la mer affleure le plat bord du côté sous le vent... On gîte beaucoup beaucoup mais on s'habitue, le problème est que tous les repères changent dès qu'on vire de bord, il faut reprendre de nouvelles marques... Bon enfin, petit intermède, disais je, pour notre valeureux pêcheur qui a enfin une touche !! Et quelle touche !!! Un bel aileron se débat au bout du fil ! Une bataille entre les hommes et la bête s'engage... Quelle force... J'ai trop peur qu'elle fasse péter la moulinette ! Et Bam... Elle lâche sa proie ! La bête a gagné mais rien n'est cassé !


Courage Grégoire ce n'est qu'une bataille ! Il y en aura d'autres mais dépêche toi quand même il n'y a plus que deux jours !!! 

Je commence à confectionner mon pavillon bleu et jaune et j'avance bien ! 


Nuit tranquille aussi, nous alternons des moments cool avec des grains qui portent le vent à 30/38 nœuds ! 

Jeudi 29 février jour 9 

Dieu que j'ai bien dormi !! Les périodes de sommeil entre les quarts sont tellement réparatrices ! Mais quand elles sont plus longues que d'habitude quel luxe ! 

Diagnostic de JB : ETA 2 jours et 3 heures !! 

J'ai du mal à croire qu'on soit si proche de notre destination ! 

Après sa toilette Xavier nous annonce qu'il a été projeté contre le miroir sur lequel il s'est éclaté la gueule ! Xavier : 1 Miroir : 0

J'ai bien avancé mon drapeau hier ce qui me permet de le finir aujourd'hui ! J'avoue en être assez fière car proche de la réalité et fait avec les moyens du bord ! 


Ce matin, nous avons vidé les cales Grégoire et moi, Xavier n'aime pas trop parler du sujet... On verra tout ça quand on sera arrivé nous dit il ! Oui OK mon capitaine mais d'ici là il faut quand même surveiller et je ressors encore vingts litres d'eau sans compter tout ce que la pompe de cale a déjà évacué ! Donc c'est officiel il y a une entrée d'eau quelquepart mais plutôt petite et peut-être juste quand on gîte d'un côté (les tests n'ont pas encore été réalisés !) en tous cas l'eau semble être un mélange de salée et pluie... 
Avant dernière nuit agitée,  25 nœuds de vent mais surtout de belles vagues dans lesquelles le bateau tape avec force, le pauvre ! Nous prenons un ris pour le soulager, il est content ! 


Vendredi 1 mars jour 10 et à priori dernier jour de nav !!!... 

ETA 23 heures ! 

Bon mois de mars tout le monde ! Dernière journée de nav pour nous si tout va bien...


Nous sommes toujours tous en forme, certainement fatigués mais on ne s'en rendra compte qu'une fois arrivés ! En tous cas le moral de la troupe est au beau fixe... Grégoire continue à titiller sa mère... 


Les discussions vont bon train et comme dit Grégoire : il suffit d'un sujet d'une étincelle pour que le fil de nos idées commence à s'embraser !! Oui j'avoue que nous disons beaucoup de conneries et ça fait du bien ! 

Mais il va falloir décider de notre route... Xavier voudrait arriver direct sur Ste Anne mais sans se prendre les courants et le vent des interîles or pour le moment nous descendons trop au sud... Donc cet après-midi nous virons pour remonter un peu au nord et ensuite nous piquerons au sud enfin si le vent le veut bien.. 

 Mais quelle mer aujourd'hui ! 25 nœuds de vent, des vagues, des creux... Ça n'arrête pas.. 

C'est toujours impressionnant quand on regarde l'arrière du bateau de se voir tout d'un coup monter sur la vague d'où on domine tout et puis une seconde après on est dans son creux... Je regarde Grégoire... Wouah elle était énorme celle là ! 

Ceci dit la journée est très fatigante, Xavier s'éclate la tête contre le miroir de la salle de bain, mais heureusement plus de peur que de mal, enfin pas pour le miroir !! 

On ressort encore beaucoup d'eau des cales... Il faudra qu'on étudie ça mieux au mouillage.... 


La pêche reste infructueuse, seules les sargasses s'accrochent à l'hameçon... Quel dommage ! 

La nuit tombe et avec elle un halo de lumière apparaît... C'est la Martinique !! Nous y sommes ! 

La nuit est bizarre... On ne sait pas trop comment organiser les quarts pour être au top, il ne faut pas aller trop vite, il faut garder le bon cap... Il faut beaucoup surveiller tous les bateaux alentours, finalement les choses se font d'elles mêmes, Grégoire et moi passons une bonne partie de la nuit en haut, c'est plus sympathique à deux, puis Xavier reprend la surveillance jusqu'à l'arrivée !!! 

Et puis on la voit, la pointe du diamant, le rocher du diamant... Nous sommes tous près... Difficile à croire, c'est émouvant de voir le but après toute cette mer, toutes ces galères... 





L'arrivée !!! Parlons en !! Un peu de stress d'un coup avant d'arriver au mouillage : et s'il n'y avait plus de vent... Et s'il y avait trop de monde... Pas de place... Si l'ancre n'accrochait pas... Qu'est ce qu'on affale d'abord la grand voile ou le génois... 


Avant de décider de tout cela... On entend un gros bruit dans la grand voile !!! Le ris 2 a pété ! Plus de questions à se poser, le bateau a décidé pour nous, on descend vite la grand voile...

 Heureusement le mouillage est immense, les bateaux attendent sagement que Sayann les rejoigne... Alors nous voilà les amis ! 

Face au vent, Xavier jette l'ancre qui accroche du premier coup et nous y sommes ! Difficile à croire mais nous l'avons fait ! Je suis très émue... Dans des conditions souvent très difficiles nous y sommes arrivés ! 

L'équipage se reprend en photo (avant /après) 

Soit devant le même miroir qu'au départ avec le choc de la tête de Xavier.... 

Soit sur l'autre 

Reste à redevenir civilisé et ça c'est pas gagné !! 

On va commencer par se raser la barbe 

On va prendre un bon bain, bien se laver, s'habiller (un peu mais pas trop) 


Et voilà... Une étape de passée... Une belle aventure de vécue.

 Dix jours, dix sept heures et trente minutes de navigation difficile autant physiquement que psychologiquement, bien plus dure que la traversée de l'Atlantique 

Il faut dire  que les conditions n'étaient pas optimales et c'est uniquement grâce à Grégoire et à Jean Baptiste que nous avons pu réussir ce projet ! 

Merci à eux deux, merci à vous tous pour nous avoir soutenu et aidé, vos messages nous ont toujours encouragé, Merci à Raymond, notre vendeur de batteries jamaïcain qui a peur de la mer et qui s'inquiétait beaucoup pour nous en m'envoyant de si gentils messages, Merci à Georges qui nous a aidé aussi avec tant d'inquiétude pour nous, Merci à Dartagnan qui nous a donné notre électricité chaque jour même s'il s'est fait tirer l'oreille par Grégoire à chaque mise en service sans exception (alors qu'au début de la navigation, nous trouvions impensable de faire cette mécanique si souvent... Comme quoi quand c'est vital on arrive à tout... à condition d'avoir la patience de Grégoire !) 

Merci à notre fidèle Sayann qui a vibré, grincé, souffert, affronté une mer déchaînée par moments, surfé sur les vagues, lutté contre le mauvais temps et qui nous a toujours protégé (même si on s'est senti maltraité par moments) et mené à bon port depuis tant d'années ! Quel sacré bateau ! Je t'aime mon Sayann ! Quels moments si forts nous avons vécu à ton bord ! 

Aujourd'hui nous retrouvons la civilisation 



Tout est plus facile quand on vit à plat et plus en gîte... Mais après les moments si forts qu'on a vécu il ne faudrait pas que la vie semble un peu morne !! 

À peine dans le petit carrefour market du coin, nous sommes étonnés par tant de vitesse, de stress... J'ai du mal à me remettre dans le bain... Beaucoup de mal... Finalement je repense à mes amis jamaïcains... Si lents... Si cool... Et je me demande qui a raison.... 










mardi 20 février 2024

Départ de Jamaïque !

 Nous y voilà !... Daniel /Double Twenty à l'eau !





 Et c'est le tour de Sayann ! Quelle étape !! Depuis le temps que nous attendions ce moment !




En plus JB nous a trouvé une fenêtre météo idéale... Il faut que nous partions mardi soir, fin d'après-midi...

Mais... Daniel a des problèmes... Des problèmes de moteur....  Les mécaniciens s'affairent sur un de ses moteurs... Douille de douze avec rallonge .... twelve socket with extension... Heureusement Xavier a tous les outils nécessaires... Et Grégoire devient expert en "outils en anglais" 

Le temps passe... Nous sommes inquiets...

Le moteur est réparé.... Un petit tour dans la baie et... Le câble d'accélérateur pète.... 

Ça y est, il est ressoudé.... 

Ne voulant surtout pas louper cette bonne fenêtre météo nous demandons à Georges les coordonnées de son ami pêcheur... Un quart d'heure plus tard, Dan arrive avec sa belle lancha aux couleurs de la Jamaïque et nous organisons la sortie de la baie pour le lendemain, aujourd'hui, mardi 20 février à 17 h.

Merci Georges pour ton efficacité et ta réactivité ! Daniel est ainsi plus libre et n'a plus à s'occuper de nous pour le départ !

Nous allons dire au revoir à Serena, 


notre amie chinoise à qui j'ai juste eu le temps de broder un beau dragon...


Il pleut des cordes... Dan se demande si on maintient le départ ou pas... Si si si on part !

Go go go !

Au revoir les amis... On se retrouve dans une dizaine de jours !